Les différentes formes de SLA : une évolution du concept

21 septembre 2021

Evolution du concept de SLA

 

Isolée comme une maladie à part entière il y a plus de 150 ans par Charcot, la SLA doit maintenant être regardée comme un ensemble de syndromes reflétant principalement la dégénérescence d’une machinerie fonctionnelle anatomique neurologique focalisée, constitutive des voies de la commande motrice volontaire.

Cette dégénérescence peut avoir différentes causes à l’origine de la mort progressive des neurones moteurs du cortex cérébral et les neurones moteurs de la moelle épinière.

D’autres régions cérébrales peuvent être atteintes à l’origine de manifestations non-motrices (douleurs, troubles du sommeil…) ou en particulier d’atteinte des « fonctions supérieures », entrainant des troubles cognitifs ou des troubles du comportement (restant mineurs dans près de 50% des cas) ou de véritable forme de démence (complexe SLA/démence fronto-temporale dans environ 30% des cas).

 

Il ne faudrait donc plus voir la SLA comme une maladie unique mais comme un ensemble complexe de maladies neurologiques voisines dans leurs manifestations cliniques mais avec des distinctions quant à leur mécanisme, leur présentation, leur évolution … et en conséquence quant à leur prise en charge thérapeutique.

 

D’un point de vue purement anatomique selon la topographie cérébrale ou spinale des zones neurologique atteintes et selon leur extension, on distingue 2 grands groupes de SLA : celles où prédominent les signes cliniques d’atteinte des voies de la motricité (SLA motrices) et celles qui sont associées à des signes d’atteinte d’autres structures anatomiques cérébrales (SLA associées).

SLA motrices

Dans ce groupe se trouve la forme dite classique de SLA ou maladie de Charcot où dominent les manifestations de souffrance des neurones moteurs centraux (hypertonie, exagération des réflexes tendineux) et des neurones moteurs spinaux (faiblesse et atrophie musculaire).

Cette forme a de nombreuses variantes selon la topographie corporelle des régions atteintes : forme à début bulbaire (oropharynx/larynx – 30% des cas), forme à début spinal (membres et diaphragme), atteinte prédominante sur les membres supérieurs ou inférieurs, forme respiratoire…

Lorsque les manifestations restent limitées à un territoire anatomique ou à une région clinique, différentes dénominations sont utilisées : sclérose latérale primitive (que certains isolent comme une maladie à part) quand les manifestations traduisent uniquement et de façon isolée l’atteinte des neurones moteurs corticaux (hypertonie, raideurs, mais pas de faiblesse musculaire) ou à l’inverse, on appelle atrophie musculaire progressive les formes où seules faiblesse et atrophie musculaire sont présentes, quelle qu’en soit la topographie.

Une forme focalisée en territoire bulbaire est isolée sous le nom de paralysie bulbaire progressive, des formes limitées aux membres sont identifiées sous les noms anglo-saxon de flail arm ou flail leg syndrom, le terme de syndrome de Mills désigne une forme hémiplégique isolée.

SLA associées

Dans ce groupe il y a les démences fronto-temporale (SLA/DFT) mais aussi dans 5% des cas avec d’autres maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson, les atrophies multisystèmes ou des atteintes du cervelet.

 

Du point de vue de la cause de la SLA, s’il persiste un manque de compréhension quant aux mécanismes qui conduisent au déclenchement de la dégénérescence neuronale, (ce qui explique l’absence de marqueur diagnostique de certitude), on sait grâce aux progrès de la biologie moléculaire de ces 20 dernières années que si la majorité des cas sont d’occurrence sporadique (≈ 85%), ≈ 15% des cas ont une cause connue d’origine génétique.

Des mutations dans une quarantaine de gènes sont établies comme causales (gènes pathogènes) et plusieurs facteurs génétiques dits de susceptibilité favorisent la survenue de la maladie.

Dans tous cas les mécanismes cellulaires sont voisins conduisant à l’accumulation dans les neurones de protéines anormalement structurées.

 

Il y a donc bien plusieurs types de SLA, non génétiques et génétiques et parmi celles-ci autant de maladies différentes que de gènes identifiés, chaque gène en cause correspondant à un mécanisme inducteur de mort neuronale différent.

 

La classification en pratique se complexifie puisqu’on identifie ainsi en référence à ces formes génétiques, des SLA sporadiques (aucun autre cas n’est connu dans la famille – SLAs) et des SLA dites familiales (une SLA a été diagnostiquée chez un ou plusieurs parents du 1° ou du 2nd degré – SLAf).

De fait cette distinction terminologique est imprécise car, avec la multiplication des tests génétiques, une mutation dans un gène pathogène peut être détectée chez une personne porteuse d’une forme apparemment sporadique. Il vaut donc mieux considérer les situations où une mutation pathogène est détectée, comme une forme de SLA génétique (ou encore héréditaire en terminologie anglo-saxonne), qu’il y ait ou non des antécédents familiaux.

 

Quatre gènes sont responsables de plus de 60% des formes familiales et de 10% des formes sporadiques : C9orf72 est le gène le plus fréquemment muté, dans 40% des formes familiales et dans 5% des formes sporadiques. SOD1 est le second en fréquence avec 15% de mutations dans les formes familiales et 3% dans les formes sporadiques, TARDBP et FUS représentent moins de 2% chacun des formes familiales et moins de 1% des formes sporadiques.

Les mutations des autres gènes sont retrouvées dans moins de 1% des formes familiales.

 

La majorité des gènes pathogènes ont un mode de transmission autosomique dominant (50% des enfants porteurs de la mutation quel que soit leur sexe)

mais il faut souligner l’existence de formes récessives autosomiques comme pour la transmission de la mutation SOD1 D91A, qui est la seule mutation SOD1 de transmission non dominante, et de formes à transmission liées à l’X (les femmes transmettent mais seuls les hommes développent la maladie) comme c’est le cas pour le gène de l’ubiquiline (UBQLN)2.

 

La présentation clinique d’une SLA génétique est modulée par le gène pathogène responsable, ce qu’on appelle corrélation génotype-phénotype.

A titre d’exemple, et en approche synthétique globale, les formes liées à une mutation SOD1 débutent par une atteinte aux membres inférieurs,

celles liées au gène TARDBP ont un début préférentiel aux membres supérieurs,

celles liées au gène C9orf72 s’accompagnent de troubles cognitifs ou de démence

et des formes à début vers l’âge de 40 ans sont liées dans plus de 40% des cas à une mutation FUS.

 

Ces considérations ne sont pas que pures connaissances théoriques. Il est en effet majeur de détecter les formes génétiques.

 

– D’abord cette détection est un marqueur de certitude du diagnostic.

– D’autre part, la connaissance de la mutation a des conséquences pronostiques.

Actuellement le seul marqueur pronostique connu est le dosage sanguin ou dans le CSF des neurofilaments. Plus la maladie est évolutive et touche un grand nombre de neurones, plus le taux est élevé. Ce dosage n’est disponible que dans de rares laboratoires hospitaliers et ne bénéficie pas d’un référencement de l’Assurance maladie, donc non remboursé.

– La connaissance du statut génétique a aussi des conséquences familiales : dépistage et suivi des sujets à risques, diagnostic prénatal …

– Enfin la connaissance du statut génétique a surtout des conséquences thérapeutiques.

Des thérapies ciblées arrivent en pratique pour traiter ces formes génétiques, d’abord pour les mutations du gène SOD1, au stade d’essai pour les mutations des gènes C9orf72 et FUS.

Leur effet semble prometteur en termes de modifications évolutives de la maladie même si les contraintes d’injections en voie rachidienne mensuelles restent difficiles.

Pour les mutations du gène SOD1 des études d’efficacité se mettent en place pour les sujets présymptomatiques détectés parents de personnes atteintes de cette forme particulière.

 

En conclusion

 

1/ Il est licite de changer de vision sur le concept de SLA et de considérer chaque situation dans le contexte de ses caractéristiques particulières.

2/ Les recommandations de bonnes pratiques préconisent actuellement de pratiquer une recherche de mutation au moins dans les gènes C9orf72 et SOD1, les plus fréquemment en cause, lors du bilan initial diagnostique qu’il y ait ou non un contexte familial.

3/ Enfin la connaissance des formes génétiques de SLA a permis de concevoir des thérapies ciblées pour ces formes et représentent un espoir de thérapies personnalisées dans le contexte de SLA.

Sous forme d’espoir, des essais vont se mettre en place, pour savoir si les thérapies géniques utilisées pour les formes avec mutation SOD1 pourraient avoir une efficacité dans des SLA sporadiques (sans mutation connue).