Connaissez-vous les neurofilaments ?

Et si demain, on pouvait diagnostiquer la SLA avant les premiers symptômes.

Voici comment.

 

On a déjà parlé des neurofilaments dans l’article sur l’étude Mirocals. Ces protéines, particulièrement présentes dans les neurones moteurs, sont désormais reconnues comme des biomarqueurs de la SLA. Voyons quel est leur rôle et leur lien avec la maladie.

 

Structure, localisation et rôle des neurofilaments

Le mot « neurofilament » est utilisé pour désigner deux choses. Tout d’abord, il sert à nommer un type de protéine qui existe en trois tailles. Nous avons donc les neurofilaments à chaîne légère, qui sont les plus courts, puis les neurofilaments à chaîne moyenne et enfin les neurofilaments à chaîne lourde, qui sont les plus longs.

Ces protéines sont capables de s’assembler pour former une sorte de longue fibre. Et cet assemblage final porte lui aussi le nom de neurofilaments. Ainsi, quand on parle de neurofilaments, on parle souvent de ce gros assemblage de protéines. Si on veut parler des protéines « seules », c’est-à-dire non assemblées, on précise la taille dont on parle (chaîne légère, moyenne ou lourde).

Les neurofilaments (les assemblages donc) font partie du squelette des neurones, aussi appelé cytosquelette (le préfixe « cyto » est utilisé pour désigner tout ce qui concerne ou implique les cellules). Ils sont notamment nécessaires dans la croissance des axones et dans le maintien de leur structure, un peu comme les os de notre squelette qui nous maintiennent. Les neurofilaments sont particulièrement présents chez les neurones myélinisés, c’est-à-dire les neurones protégés par des gaines de myéline, comme les neurones moteurs.

 

 

Les neurofilaments comme acteur dans la SLA

L’agrégation de protéines est un phénomène connu dans la SLA, Il se trouve que les neurofilaments font partie des protéines concernées par ce phénomène et que les agrégats de neurofilaments participent à la dégénérescence de ces neurones.

 

Les neurofilaments comme biomarqueurs pour la SLA

Les neurofilaments ne font pas que s’agréger dans la SLA. En effet, lorsque les axones subissent des dommages, les sous-unités de neurofilaments sont libérées dans le liquide céphalo-rachidien, fluide directement en contact avec les neurones moteurs, mais aussi dans le sang. Pour être plus précis, deux sous-unités sont particulièrement libérées : les neurofilaments à chaîne légère et les neurofilaments à chaîne lourde. Comme cette libération est directement liée à la dégénérescence des neurones, les quantités de ces deux sous-unités dans le liquide céphalo-rachidien et le sang ont été mesurées et étudiées pour voir si elles pouvaient servir de biomarqueurs pour les maladies neurodégénératives, dont la SLA.

 

Principe d’un biomarqueur

Un biomarqueur est un élément biologique que l’on peut mesurer et qui est associé à un phénomène biologique, normal ou non. Par exemple, la quantité de glucose dans le sang est un biomarqueur du diabète.

Il existe plusieurs types de biomarqueurs, défini dans un glossaire établi par la « US food and Drug Administration National Institutes of Health Joint Leadership Council », que l’on pourrait traduire par le « Conseil de Direction Conjoint de l’Administration pour la Nourriture et les Médicaments et les Instituts Nationaux de la Santé ».

Il se trouve que les sous-unités à chaîne légère et à chaîne lourde ont un rôle à jouer dans plusieurs de ces catégories. Dans la suite de cet article, nous désignerons ces deux sous-unités sous le terme général « neurofilament » afin de ne pas alourdir le texte.

 

Les neurofilaments comme biomarqueurs de diagnostic

Plusieurs études ont montré qu’une quantité plus importante de neurofilaments dans le liquide céphalo-rachidien et dans le sang était une preuve de maladie neurodégénérative. Les études ont également montré que la quantité de chaîne lourde était particulièrement importante dans la SLA comparé à d’autres maladies. Cela signifie que la quantité de chaîne lourde peut servir à diagnostiquer la SLA, et surtout à la différencier d’autres maladies neurodégénératives possible au vu des symptômes.

 

Les neurofilaments comme biomarqueurs de pronostic

La quantité de neurofilaments dans les fluides a été associée à l’avancement et à la vitesse de progression de la maladie. En particulier, plus la quantité est élevée, plus la maladie est avancée et progresse vite. Des études ont notamment corrélé la quantité de neurofilament avec le score sur l’échelle ALSFRS-R, seul biomarqueur établi pour la SLA depuis des années. C’est-à-dire qu’ils ont montré une correspondance entre la quantité de neurofilaments et le score ALSFRS-R : quand le premier est élevé, le second est faible. Les vitesses d’évolution de ces deux biomarqueurs étaient également similaires.

Une grande quantité de neurofilaments détectée au moment du diagnostic est désormais associée à une SLA à progression rapide.

 

Les neurofilaments comme biomarqueurs de susceptibilité/risque

Des chercheurs ont suivi la quantité de neurofilaments chez des patients identifiés à risque car présentant une mutation génétique connue dans la SLA. L’étude a pu montrer que cette quantité augmentait dans les fluides bien avant l’apparition des premiers symptômes, moment que les chercheurs appellent « phénoconversion » (le patient passe du phénotype « sain » au phénotype « SLA »). L’étude a montré que cette augmentation commençait entre 6 et 12 mois avant la phénoconversion chez des patients ayant la mutation du gène SOD1 et 2 ans avant pour des patients ayant une mutation particulière du gène FUS.

Une autre étude s’est intéressée aux cas de SLA sporadique. Dans cette étude, c’est la quantité de neurofilament à chaînes lourdes phosphorylées qui augmentait avant la phénoconversion : environ 18 mois avant.

Suivre la quantité de neurofilaments, en particulier les chaînes lourdes phosphorylées, pourrait donc prévenir de l’apparition prochaine de la maladie et ainsi permettre une prise en soin plus rapide.

 

Les neurofilaments comme biomarqueurs de réponse

La quantité de neurofilaments libérés étant représentative des dommages subis par les neurones, on pourrait supposer que ralentir la maladie signifie que les neurones sont moins endommagés, et donc que moins de neurofilaments sont libérés. Donc que la quantité de neurofilaments dans les fluides diminue. Même si plusieurs études cliniques utilisent les neurofilaments comme biomarqueurs de réponse, cette hypothèse doit encore être validée grâce à des analyses supplémentaires.

 

La recherche avance

Aujourd’hui, grâce à de nombreuses études permettant de s’assurer que les résultats ne sont pas le fruit du hasard, les neurofilaments sont considérés comme un biomarqueur sûr de la progression et de la sévérité de la maladie. La communauté médicale doit cependant encore statuer sur l’utilisation précise de ce biomarqueur dans d’autres catégories.

Notons également que l’évolution des techniques d’analyse permet maintenant de mesurer la quantité de neurofilaments dans le sang avec précision, ce qui rendra les prélèvements d’échantillon plus confortables pour les patients. C’est une avancée, car la quantité de neurofilaments dans le sang est toujours plus faible que celle dans le fluide céphalo-rachidien.

 

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Articles sources :

1. Irwin K. E. et al, Fluid biomarkers for amyotrophic lateral sclerosis: a review. Molecular Neurodegeneration. 2024, 19, 9. DOI : 10.1186/s13024-023-00685-6

2. Heckler I. and Venkataraman I., Phosphorylated neurofilament heavy chain: a potential diagnostic biomarker in amyotrophic lateral sclerosis. Journal of Neurophysiology, 2022, 127, 737-745. DOI : 10.1152/jn.00398.2021