Pourquoi les patients SLA doivent ils attendre encore ?

20 février 2023

Radicava ORS et Relyvrio, nouveaux traitements pour la SLA disponibles aux USA, ont un rapport cout/efficacité convenable démontré : pourquoi attendre encore ?

De nouveaux traitements proposés pour la SLA, Radicava ORS (forme orale de l’edaravone, Laboratoires Mitsubishi Pharma, Japon) et Relyvrio (molécules sodium phenylbutyrate et taurursodiol ou AMX0035, Laboratoires Amylyx, USA) sont maintenant autorisés et disponibles aux Etats-Unis depuis respectivement printemps et automne 2022. La FDA a autorisé l’utilisation du Relyvrio sur les résultats de l’étude de phase 2 CENTAUR (N Engl J Med. 2020;383(10):919-30 et Muscle & Nerve. 2022;66:136–141) ayant montré une diminution de la progression d’une échelle fonctionnelle (ALSFRS-R) de 25% et une augmentation de la survie médiane de plus de 6 mois. Depuis 2017 le Radicava est disponible sous forme injectable IV aux USA et en France depuis 2019 sous protocole d’accès compassionnel restrictif.

 

Depuis plusieurs mois, l’ARSLA a signalé que la non disponibilité en France du Relyvrio représentait une inégalité flagrante et un manque de chance pour les personnes atteintes de SLA. En effet, les personnes atteintes de SLA sont victimes d’un déficit de force musculaire progressif avec insuffisance respiratoire conduisant au décès en 3 à 5 ans du début des manifestations. La dépendance fonctionnelle progressive avec l’évolution de la maladie conduit à un besoin de soins, souvent à la charge de l’entourage direct avec un impact très négatif sur la qualité de vie du malade et des aidants naturels. Environ 8000 personnes en France sont concernées. Il n’y a pas de thérapie curative en dehors du riluzole d’effet modeste autorisé (AMM) depuis plus de 20 ans, avec des soins de support ciblés sur des déficience vitales (ventilation non invasive, nutrition par sonde, thérapies physiques et appareillage lourd de compensation pour déplacements et communication).

 

Des services spécialisés experts hospitaliers reçoivent des aides en dotation du Plan National Maladies Rares. Ils apportent aides et soutient, et ont définis des standards de soins qui ont démontrés leur efficacité restant néanmoins limitée. Cependant, leur disponibilité géographique fait que l’inégalité de chance territoriale reste importante en raison de barrières liées aux capacités de déplacement et à la prise en charge par des procédures de compensation variables selon l’âge. Le coût sociétal reste peu connu (absentéisme engendré par la maladie pour le patient et les aidants, coûts informels des soins du domicile, adaptation du domicile et du véhicule, impact sur la qualité de vie des aidants proches ….)

 

Des dizaines de molécules potentiellement actives ont été testées sans succès ces 20 dernières années, une vingtaine est en cours d’étude, seules celles ciblant les rares formes génétiques de SLA semblent prometteuses. Les 2 nouveaux traitements nouvellement autorisés aux USA par la FDA méritent donc une attention particulière. En Europe, la formulation orale du Radicava est testée en phase 3 (en sous traitance avec les laboratoires espagnols Ferrer) et une étude phase 3 de l’AMX0035 (PHOENIX) pilotée par Amylyx est en cours (inclusions terminées depuis janvier 2023). Les résultats en seront connus d’ici 2 ans et la mise à disposition du traitement auprès des malades pas avant. Bien qu’en France il existe une procédure d’accès précoce, le promoteur n’a pas trouvé bon de demander à en bénéficier auprès de l’ANSM. Pour le Radicava, c’est Mitsubishi Pharma qui en mai 2019 a retiré sa demande à bénéficier d’une autorisation auprès Comité du Médicament à Usage Humain (CHMP) de l’Agence Européenne du Médicament (EMA). Pour sa part Amylyx attendrait pour l’Europe une possible décision dérogatoire du CHMP vers le 3° trimestre 2023 pour un très incertain accès au Relyvrio.

 

Pourquoi les malades doivent ils attendre l’Europe ?

Les traitements cités plus haut, non disponibles en Europe, commencent à être largement utilisés aux USA, et les compagnies d’assurance se questionnent quant à leur prise en charge. Contrairement à ce qui se passe dans une indifférence coupable en France, une étude médico-économiques américaine publiées ce mois-ci (The effectiveness and value of AMX0035 and oral edaravone for amyotrophic lateral sclerosis: A summary from the Institute for Clinical and Economic Review’s Midwest Comparative Effectiveness Public Advisory Council. J Manag Care Spec Pharm, 2023 Feb;29:216-221), réalisée à la demande de compagnies d’assurance santé (Blue Cross Blue Shield of Massachusetts, California Healthcare Foundation, The Patrick and Catherine Weldon Donaghue Medical Research Foundation, Arnold Ventures, et la Kaiser Foundation Health Plan) semble démontrer que prendre ces médicaments est « rentable » en termes de rapport cout/efficacité malgré le prix élevé (>170 000 $/an) demandé pour chacun d’eux.

 

Dans cet article, The Institute for Clinical and Economic Review (Institut de Revue Clinique et Economique – ICER) a réalisé une revue systématique de la littérature et une analyse du rapport cout/efficacité pour évaluer le bénéfice en termes de santé et économique de l’AMX 0035 et de la forme orale de l’edaravone dans le traitement de la SLA. Cet institut utilise comme outil de mesure le score QALYs (années de vie pondérées par la qualité sur une période de 1 an ou score de qualité dans un contexte de santé dégradée – coté 0 pour les pires conditions et 1 en parfaire santé) et le score evLYG (appréciant la valeur des années de vie gagnée grâce à une thérapie) : ICER définit s’il y a une différence significative entre les 2 mesures. Sont résumés les grandes lignes des débats des intervenants lors d’un meeting du CEPAC (Midwest Comparative Effectiveness Public Advisory Council) d’aout 2022. Une table ronde réunissant des représentants des assureurs, des industriels, des experts méthodologistes et cliniciens et des représentants de malades (pour lesquels un traitement efficace doit augmenter l’espérance de vie, et réduire les couts de traitements des soins critiques et des soins de support) a émis des conclusions sur la meilleure façon de mettre en œuvre les résultats connus pour chaque traitement en termes de pratiques cliniques, de couverture par les assurances et de négociation des prix des médicaments.

 

A la suite de la discussion, les membres du CEPAC ont délibéré : 11/4 ont admis que l’AMX0035 ajouté au standard de soins de la SLA (soins multidisciplinaires + riluzole + edaravone IV) apporte un bénéfice en santé supérieur comparé au standard seul. De la même façon, 13/2 des membres votants ont considéré qu’il était démontré que l’edaravone orale ajoutée au standard de soins de la SLA (soins multidisplinaires + riluzole) était supérieur aux standards de soins seuls du moins chez les patients à un stade proche des critères d’inclusion de l’étude publiée dans JAMA Neurol en 2022 (Witzel S, Maier A, Steinbach R, et al.. JAMA Neurol. 2022;79(2):121-30) c’est à dire en phase précoce avec une CVF >80%, l’effet n’étant pas démontré pour des malades ne remplissant pas ce critère. Il faut remarquer aussi que le rapport cout/bénéfice sur le long terme n’existe pas pour l’edaravone (pas de bénéfice démontré sur la survie), plus établi pour l’AMX0035 où pour les résultats présentés à la FDA le « hazard ratio » comparé au placebo a été calibré pour correspondre à la différence de médiane de survie observée pour l’étude CENTAUR-OLE (Muscle & Nerve. 2022;66:136–141)

 

Quoiqu’il en soit, les conclusions de l’étude de l’ICER sont 1/ les inégalité en santé doivent être réduite en permettant l’accès aux standard de soins au plus grand nombre 2/ les assurances doivent programmer leur critère de couverture bien en amont des décision d’autorisation d’utilisation de la FDA, 3/les assureurs doivent assurer la prise en charge incluant tous les soins au domicile, incluant les aides techniques, aménagement du domicile et du véhicule, les transports pour soins et le cout des aidants, 4/ les industriels doivent modérés les prix de lancement des médicaments jusqu’à ce qu’un réel bénéfice puisse vraiment être démontré, 5/ Dans des maladies aussi rapidement évolutives que la SLA, les procédures d’évaluation doivent acceptées de valider des études phase 2 significative mais bien sur prévoir des procédures de réévaluation.

 

Au total cette étude médico-économique valide le bénéfice de la prise en charge des traitements par Edaravone ORS et par Relyvrio pour les malades atteints de SLA.

Nous demandons un accès à ces traitements pour les malades atteints de SLA en France et que les 5 recommandations ICER soient adoptées.