Résultats de l’essai thérapeutique du Tofersen (Biogen) dans la SLA avec mutation SOD1

20 octobre 2021

Et la suite ?

Les résultats de l’essai thérapeutique du Tofersen dans la SLA d’origine génétique avec mutation du gène SOD1 (étude VALOR Biogen Phase 3 – NCT02623699) ont été dévoilés ce dimanche 17 octobre 2021 au congrès annuel de l’American Neurology Association (ANA). L’étude a porté sur 108 malades (36 placebo/72 traités) sélectionnés sur la présence de la mutation et, pour la cohorte traitée, divisés en 2 groupes selon la vitesse de progression jugée sur la pente évolutive de l’échelle ALSFRS-R depuis les 1° signes (progresseurs rapides et progresseurs lents) et ayant des valeurs de mesure de capacité vitale lente (CVL) en spirométrie ≥ 65% des valeurs prédites pour les progresseurs rapides et ≥ 50% pour les progresseurs lents.

 

Cet essai n’a pas permis de démontrer chez les malades traités une signification statistique pour l’objectif principal jugé sur l’évolution pendant 28 semaines du score de l’échelle ALSFRS-R. Cependant, dans sa phase d’extension (étude OLE), l’étude montre une diminution de la pente évolutive chez les patients progresseurs rapides et une apparente stabilisation pour ceux dont l’évolution est lente.

 

Dans l’évaluation des objectifs secondaires, le suivi biologique montre chez tous les malades traités une nette réduction de la concentration de la protéine SOD1 dans le liquide cérébrospinal (LCS), montrant que la molécule agit bien sur sa cible, et une diminution de la concentration sanguine en neurofilaments légers (NfL) ce qui indique que la dégénération neuronale est ralentie. Les objectifs secondaires mesurés sur l’évolution de la force musculaire, de la fatigue, des fonctions respiratoires et une échelle de qualité de vie montrent également une tendance favorable pour les groupes traités.

 

Les effets secondaires rapportés étaient mineurs ou reliés à la maladie elle-même. Les évènements sérieux, notamment des épisodes de myélites, sont attribués au mode d’administrations répétées directement dans le LCS.

 

Le Tofersen était administré à la dose de 100mg par voie intrathécale (ponction lombaire) en 3 injections le 1° mois puis 1 injection par mois, le groupe contrôle recevant le placebo par même voie d’administration. La durée totale des études VALOR+OLE s’est étendue jusqu’à 7 ans pour les malades inclus les plus précocement.

 

Qu’est-ce qu’une SLA avec mutation SOD1 ?

L’existence de mutations causales de SLA dans le gène SOD1 est reconnue depuis 1993. On sait depuis qu’une trentaine de gènes peuvent être en cause. On regroupe ces SLA avec mutations génétiques sous le terme de SLA héréditaires, dans certains cas un apparenté du 1° ou 2° degré a déjà été affecté, on parle alors de SLA familiale (10 à 15% des SLA en général), dans d’autre cas aucun antécédent n’est connu dans la famille ce qui en génétique définit un cas sporadique (à distinguer des SLA sporadiques où il n’y a pas non plus de contexte familial mais par contre pas de mutation causale retrouvée chez l’individu atteint). Seules 60% des formes familiales sont expliquées par la présence d’une mutation dans un des gènes actuellement connus, d’autres restent à découvrir. C9orf72 est le gène le plus fréquemment mis en cause (dans 40% des formes familiales, 5% des formes sporadiques), SOD1 est le second en fréquence (dans 15% des formes familiales, 3% des formes sporadiques soit entre 3 et 4% des SLA toutes formes confondues).

 

La transmission intra familiale des mutations du gène SOD1 est décrite comme autosomique dominante (théoriquement un individu atteint transmet la mutation à 1 enfant sur 2 quel que soit son sexe, règle statistique non visible en vie courante), seule la mutation D90A est à transmission autosomique récessive (les enfants n’expriment la maladie que si les 2 parents sont affectés de la même mutation ce qui une occurrence exceptionnelle sauf en cas de consanguinité). Selon l’étude de corrélation on considère que les SLA liées aux mutations dans le gène SOD1 débutent plus précocement et ont une durée d’évolution plus longue, le phénotype bulbaire est moins fréquent et les atteintes cognitives très rares, mais il existe de nombreuses variations interindividuelles.

 

Qu’est-ce que le Tofersen et quel est son mode d’action ?

Le Tofersen (synonymes BIIB067, Ionis-SOD1Rx, ASO1) est un oligonucléotide antisens (ASO) de 2° génération, ciblé sur l’ARN messager (ARNm) de traduction de la protéine superoxyde dismutase 1 (SOD1) codée par le gène SOD1. Ses propriétés sont de réguler la synthèse de la protéine pour en diminuer la production. On sait que la protéine SOD1 mutée interfère avec de multiples mécanismes cellulaires en produisant un effet toxique conduisant à la mort neuronale. Le rôle de l’ASO est donc de réduire cette toxicité en réduisant la quantité de protéine mutée produite. Des études précliniques sur modèle de souris et de rats mutés pour SOD1 ont montré que l’injection intracérébrale ou intra spinale de l’ASO diminuait la concentration dans le LCS en ARNm SOD1 en protéine SOD1 mutée et en Nf, ce que reproduit l’étude VALOR, chez l’animal les fonctions motrices et la survie étaient améliorées dans un contexte différent puisque dans toutes les études sur animal modèle muté la molécule testée est administrée avant l’apparition des symptômes.

 

Quels sont les conséquences des résultats de cette étude ?

Ne pas atteindre la significativité statistique pour l’objectif principal d’une étude thérapeutique est un fait décevant. Ici, l’objectif était de juger de l’efficacité sur l’évolution du score de l’échelle fonctionnelle spécifique de la SLA (ALSFRS-R) c’est-à-dire sur la capacité de la molécule testée à modifier le cours évolutif symptomatique de la maladie. On sait depuis plusieurs années que dans les maladies induisant une destruction de structures nerveuses (ici les neurones moteurs) associée de plus à une destruction du tissus musculaire (amyotrophie), la correction de la cause de la maladie n’est pas suffisante en soi pour modifier les symptômes lorsque cette correction est faite alors que les symptômes sont déclarés et évolutifs depuis plusieurs mois. L’efficacité de thérapies, qu’elles soient enzymatiques, géniques ou par thérapie antisens, agissant directement sur le mécanisme causal de la maladie ne peut être espérée que si le traitement est administré très précocement, dès les 1° jour de la vie lorsqu’il s’agit de maladies néonatales, dès les manifestations les plus initiales pour une maladie de l’adulte voire en présymptomatique pour les porteurs sains détectés dans la parenté d’un malade porteur d’une maladie génétique.

 

Les études doivent donc être poursuivies mais en considérant l’enseignement donné par les études animales où la thérapie par antisens permet d’observer des effets cliniques tels que retard d’apparition des symptômes ou amélioration des manifestations motrices sont dans des conditions de traitement très précoce voire présymptomatique.

 

Procédure d’accès compassionnel et essai clinique chez les présymptomatiques.

Il semble que suite aux résultats de l’étude phase 3 VALOR, Biogen poursuive le développement en demandant pour utilisation du Tofersen dans la SLA une autorisation d’utilisation de la FDA aux Etats Unis et de mise sur le marché (AMM) en Europe. C’est une procédure longue, mais, en France, l’article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a posé les bases d’un nouveau système dérogatoire (jusque-là désigné sous les termes d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU) et de recommandations temporaires d’utilisation (RTU) tout en garantissant la pérennisation des accès pour les patients. En France, depuis le 1er juillet 2021, la procédure « accès compassionnel » (ancienne ATU nominative) vise les médicaments non nécessairement innovants, qui ne sont initialement pas destinés à obtenir une AMM mais qui répondent de façon satisfaisante à un besoin thérapeutique non couvert (voir sur le site https://solidarites-sante.gouv.fr)

 

Biogen a mis en place un Early Access Program limité aux patients porteurs d’une mutation du gène SOD1 et progressant le plus rapidement (perte d’au moins 2 points par mois sur l’ALSFRS-R). Cette procédure est connue des neurologues des centres experts SLA, les personnes concernées et intéressées doivent prendre contact (liste et coordonnées des centres sur https://portail-sla.fr/centres-de-prise-en-charge/). Depuis ce début d’année, le dépistage des mutations des gènes SOD1 et C9orf72 fait partie des procédures du bilan diagnostique de SLA, les résultats sont rendus aux malades concernés. Si le statut génétique n’est pas connu ou n’a pas été recherché, il faut s’adresser à un centre expert national selon la liste indiquée plus haut.

 

Le démarrage d’un essai du Tofersen dans les formes présymptomatiques de SLA avec mutation du gène SOD1 est programmé pour les mois qui viennent sous le nom d’étude ATLAS. La SLA présymptomatique, fait référence à la période pendant laquelle une personne présente des signes précoces de SLA, comme des dommages au système nerveux, mais ne présente pas de signes cliniques manifestes de la maladie. Dans ATLAS, le moment optimal pour le traitement sera déterminé à l’aide du biomarqueur NfL dont l’élévation de la concentration dans le CSF objective une destruction « en cours » de structure du système nerveux. L’essai ATLAS recrutera environ 150 adultes porteurs de mutations SOD1. Si les dépistages révèlent une augmentation des niveaux de NfL d’au moins 10 picogrammes (pg) par ml (niveaux total ≥ 44 pg/ml) ou développent une SLA cliniquement manifeste, seront inclus dans la phase suivant de l’étude, où ils recevront soit du tofersen (100 mg) soit un placebo. Le critère d’efficacité principal de l’étude est le pourcentage de participants qui développent une SLA cliniquement manifeste dans l’année suivant l’inclusion dans la phase de traitement. Les participants à l’étude seront traités pendant une période maximale de deux ans.

 

Etant connu que la SLA avec mutation du gène SOD1 partage des mécanismes communs avec toutes les formes de SLA, il serait envisageable dans un futur proche de faire une étude d’efficacité du Tofersen dans une population « tout venant » de malades SLA. Espérons néanmoins que la méthodologie de cette potentielle étude privilégie l’inclusion de malades à une phase très précoce de la maladie pour espérer voir une inflexion de la courbe évolutive au risque de déconsidérer cette approche pour le futur.

 

Biogen teste en phase préliminaire d’autres molécules ASO dirigées sur les mutations SOD1 et C9orf72. Wave Life Science conduit un essai en cours avec un ASO ciblé sur la mutation C9orf72.

Il est à remarquer que la connaissance de formes de SLA avec mutations génétiques a permis des avancées considérables pour la compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires qui sous-tendent toutes les formes de SLA. L’arrivée de thérapies, d’abord par ASO antisens, sans doute bientôt pas thérapie génique, représente un espoir majeur de traitement pour le complexe des SLA.